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3 juillet 2016

De quels feux ?

 

Lectures estivales 2016 Archives - La Bauge littéraire

Le soleil tape fort sur l'Europe, les plages com­mencent à se rem­plir, et le San­glier a l'honneur d'inaugurer l'édition 2016 des Lec­tures esti­vales avec un texte spé­cia­le­ment com­posé pour cette occa­sion. Par une auteure, qui plus est, dont le seul nom rap­pelle aux habi­tués de la Bauge de très bons sou­ve­nirs.

https://baugelitt.eu

C'est la seconde fois que le site de La Bauge littéraire me fait l'honneur d'accueillir une de mes nouvelles pour son festival de lectures estivales. Après L'échange, nouvelle écrite sur le modèle des récits initiatiques (que vous pouvez également lire in extenso sur ledit site), voici De quels feux ? Cette nouvelle reprend en trois étés situés aux points gordiens de la vie amoureuse, la ronde macabre que le désir semble former dans son impénétrable énigme, ce cercle où l'on se laisse entraîner sans comprendre où il va. Trois étapes donc, du premier été aux voluptés audacieuses au second exsudant l'usure des sentiments, la jalousie, l'inquiétude, au dernier refermant le cercle dans la ponctuation tragique où s'achève la vie du corps. Une nouvelle qui ne laisse à la tragédie qu'une brève interruption, celle de l'origine que l'on essaie de retrouver coûte que coûte mais qui inexorablement fuit pour ne laisser qu'une trace aussi douloureuse que désirable.

Voici un extrait. (Pour lire la totalité, il suffit de suivre le lien placé en tête de page : accès libre, gratuit)

Situation : Pierre, un homme marié, tombe amoureux d'Estelle, une jeune femme de qui il va découvrir un appétit charnel sans bornes. Ici, leur première rencontre :

"Il se laissa guider comme dans le petit couloir qui menait à la chambre. Arrivés au seuil de la pièce au centre de laquelle se tenait un grand lit, elle regarda Pierre intensément puis lui caressa le visage ; et ses mains, son corps, ses nerfs n'eurent plus à s'interroger comme des enfants perdus dans une forêt obscure ; ils étaient les branches de la forêt obscure s'étendant aux doigts, aux mains, au sexe de Pierre, cette forêt de laquelle l'on se croit sortis une fois que la vie nous a installés dans des rôles mais qui n'est jamais hors de nous, toujours prête à pousser ses feuillages, ses ronces, son obscurité, son inquiétude pure et sauvage dans l'entrelacs compliqué des vaisseaux sanguins, dans les fantasmes nocturnes qui mouillent les draps et embuent les corps... Déjà les mains plongeaient dans la sève visqueuse d'Estelle qu'elle faisait remonter jusqu'à la bouche, leurs deux bouches réunies qui se fouillaient réciproquement auxquelles les doigts de Pierre, pleins de suc, se joignaient. Comme un printemps affolé à sa grande copulation générale, le souffle porté à l'oreille fécondait le gémissement, le gémissement d'Estelle tendait le sexe de Pierre, le sexe de Pierre sécrétait la mouillure d'Estelle, et quand il la pénétra enfin, après l'avoir calée contre le mur de la chambre, debout parce que, dans leur excitation, ils n'avaient guère eu le temps de penser à leur confort, il sentit au bout de son membre, l'extraordinaire faim d'Estelle, les yeux déjà mi-clos, sa volonté abolie dans le cri de son plaisir, de son désir à être « envahie » plus fortement, si bien que Pierre redoubla de violence, enragea sa prise, ne savait plus s'il satisfaisait en lui le chasseur ou l'amant. Il la secouait sans la ménager lui cognant la tête parfois quand son sexe, comme dans les deux temps de la respiration, prenait de l'ampleur en sortant un peu avant de revenir se gorger du jus brûlant et dégoulinant de la fente d'Estelle. Il avait envie de jouir mais aussi de répondre à la faim d'Estelle qui semblait infinie. Elle bavait, criait, griffait et regardait alternativement Pierre – comme pour le galvaniser davantage – et ailleurs, en l'air, semblant s'adresser à l'invisible. Dans cette circulation de regards, une cérémonie de dépossession et de possession enflait l'atmosphère de nuages noirs prêts à éclater à tout moment : elle sembla fugacement folle, appartenir à un démon avec lequel elle parlait un langage muet et électrique convulsant les corps des amants, comme la sorcière des messes noires offrant ses reins aux sombres desseins d'une invocation infernale. Lui-même, qui était-il désormais ? Où était passé l'homme qui quelques jours plus tôt déchiffrait mystiquement les caractères qu'Estelle avait déposés dans sa liste ? Ce ne fut pas une jouissance qui mit un terme à leurs ébats, mais une libération des tentacules de la nuit."

 

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