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19 octobre 2015

La disparition de Régina Basel, version papier.

La disparition de Régina Basel est un récit à l'origine crée pour le blog, sur le passage du virtuel au réel. 

Le voici en version papier avec le site où vous pouvez directement le commander : 

 

La disparition virtuelle de R. Basel de Reine Bale sur TheBookEdition.com

Le livre La disparition virtuelle de R. Basel de Reine Bale sur thebookedition.com - créez, éditez et publiez votre livre en ligne

http://www.thebookedition.com

L'image ne correspond évidemment pas à la couverture du livre...mais la technique, la technique...

L'histoire : Régina déclare sur un statut de facebook être morte, ce qui intrigue un contact, Patrick Latour qui au départ n'accorde qu'une attention amusée à ces mots. Mais elle insiste et insensiblement Patrick Latour se penche de plus en plus sur le cas Régina jusqu'à l'obsession, jusqu'au désir de la retrouver. Mais le passage du virtuel au réel est encombré de fantasmes, de projections, de craintes qui formeront la course d'obstacles devant laquelle Patrick ne voudra pas reculer, comme pour conjurer le passé, ses échecs, et son ennui du présent.

Extrait : 

En parcourant les pages où il avait conversé avec Régina, Patrick prit conscience qu'il avait eu une relation particulière avec elle, du moins singulière au milieu de cette masse indifférenciée de facebookers. Pourtant, il n'avait jamais poussé plus loin l'espèce de familiarité qui avait fini par s'établir, y compris dans leurs divergences idéologiques. Ses humeurs, ses pensées échappaient toujours à l'espèce de neutralité grise dont certains font part en s'imaginant formuler des idées originales. Il y avait chez Régina une intransigeance intellectuelle qui impressionnait Patrick et dont l'orgueil n'eût pas aimé souffrir : non qu'il participât de la catégorie des hommes qui craignent les femmes intelligentes ; mais quelque chose, l'instinct sans doute, devinait qu'il n'était pas son genre. Elle vivait dans un monde où il y a peu de place pour la croyance, pour l'insignifiance, une certaine légèreté finalement ; elle évoluait dans des pensées de plus en plus marquées par une sorte d'"appel du néant", ainsi qu'elle l'avait curieusement formulé dans un de ses statuts. Statuts que nous avons qualifiés préalablement de plus en plus "sibyllins" au fil des semaines qui précédaient sa disparition annoncée.

"Je pressens que l'extrême conscience, par quoi toute quête passe, échoue invariablement à nous faire accéder à l'absolu ; le travail sur la conscience n'apporte rien rien, il emmure toutes les issues possibles ; il n'ouvre qu'à la conscience du néant. Toute personne qui a suffisamment pensé en arrive à cette conclusion, s'il veut être honnête." Le même jour, elle avait écrit : "L'appel du néant...Le nihilisme aujourd'hui est irréfutable. Anders avait raison : où que l'on regarde, le monde est informe et ce que nous faisons ici avec nos jouets technologiques, dilate le chaos." Quel baragouin ! Patrick ne pipait mot à ce jargon dilué dans la métaphysique. Anders, Anders, qui c'était encore ? Un penseur sans doute dans lequel le pessimisme de Régina s'était épaissi, hyperboliquement mystifié jusqu'à l'obtention d'un précipité purement négatif. Néanmoins, sans comprendre vraiment, Patrick saisit à ces mots, une puissance dramatique moins jouée que vécue ; mais, comme aucune confidence sur de pénibles événements ne traversaient ces réflexions, ils conservaient une force d'impénétrabilité qui en augmentait la puissance : on pouvait tout imaginer puisque Régina n'expliquait rien. Venait-elle de perdre un être cher, était-elle elle même en proie à une maladie mortelle, traversait-elle une grande période de dépression, préparait-elle son suicide ? C'est cette dernière crainte qui avait décidé Patrick à contacter Régina quand elle avait posté ses avis de décès. Non qu'il tînt à elle particulièrement, mais il pensait (ou alors il se plaisait à penser) que rien de ce qui pouvait arriver à un humain dont il avait croisé le chemin, ne pouvait lui rester indifférent. C'était le prix à payer pour continuer à se déclarer "viscéralement de gauche" dans une acception un peu large, républicaine, démocratique, et humaniste.

Redécouvrant les mots de Régina à l'aune de sa disparition virtuelle, Patrick s'interrogea sur sa démarche ; il croulait sous le travail, il avait pour chaque week-end où il n'avait pas la garde de son fils, un but avec la lutte à Notre-Dame-des-Landes, il avait des amis avec qui se divertir et, sur facebook, il y avait de quoi faire avec le mariage gay. Bien qu’il fût un détail qui ne ferait probablement pas date dans les annales des droits imprescriptibles de l'humanité, ce sujet qui concernait une infime partie de la population, semblait alimenter d'intarissables conversations. Justement, Patrick qui voulait bien être de gauche, sentait pour le coup qu'il fallait se forcer pour défendre bec et ongles une mesure qui, d'après lui, ne résolvait rien aux injustices de ce monde qu'il jugeait, bien sûr, trop libéral. Sa solitude peut-être, son fils qui grandissait un peu loin de lui, une idéologie bien ancrée mais qu'il fallait entretenir parfois artificiellement comme on offre des fleurs à une femme conventionnellement, tout cela contribuait à ses quarante-sept ans à le miner, ou à l'éteindre. Les accents de Régina avaient capté son désoeuvrement bien rempli par toutes les occupations qui servent à meubler une vie, comme les bibelots peuplent les étagères.

"Notre époque me rend malade." Voici un autre statut de Régina peu avant sa disparition : "Dois-je rire de la bêtise, de l'inculture, de la haine ? Dois-je m'indigner ? Devrais-je m'encarter dans un parti politique ? Devrais-je prier ? Devrais-je baiser en récitant des mantras ? Devrais-je faire du bénévolat ? Eteindre cet ordinateur ? Convertir les autres, croire en ma mission, et laquelle d'ailleurs ? M'exiler au fond des bois ? Vivre au milieu des autres à tout moment ? Je suis au milieu de ma vie et je n'ai pas le début d'une réponse. Est-ce normal docteur ?" 

Et ainsi de suite.

Patrick éteignit l'ordinateur. Pour aujourd'hui, c'était tout. Il alla s'allonger sur son lit, tout embrouillé. "Je ne vais pas m'accrocher à cette femme. Elle n'existe peut-être pas. Je lui ai tendu la main et elle aurait pu la saisir. On peut tous penser comme elle après tout. Jouer à la tragédienne. A la sublime tragédienne atterrée par notre époque, le non-sens et bla-bla. Faire la belle et la malheureuse : une seule et même chose, c'est connu. Pas de ça. J'ai assez à faire avec mon cas." Et Patrick, homme de belle stature  mais au visage un peu alourdi par des cernes de fatigue et le tabac, s'assoupit. Il s'assoupit dans les images anamorphiques qui confondaient Régina, son visage de défunte en noir et blanc et son cri qui l'avalait dans sa disparition irrépressible. Il s'éveilla et, passés les instants d'apaisement, il ralluma son ordinateur pour répondre à la commande d'une société de transports qui souhaitait changer sa plaquette de présentation. Mais en allant consulter ses messages, il fut aussitôt captivé par l'envoi d'un mail dont l'origine était une certaine "R.B."...

 

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