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15 octobre 2015

Le Mal des origines, Une forêt deux êtres.

Réunis dans un seul livre Le mal des origines et Une forêt, deux êtres sont deux courts récits qui vous transporteront dans deux conditions différentes et radicales, l'une par le moyen temporel (un voyage du passé d'Auschwitz vers le présent d'une femme juive en France : Le mal des origines), l'autre par le déplacement, la marche en forêt, dans la nouvelle où une vagabonde emmène son lecteur dans la réclusion des exclus.

 

Mal des origines-Une forêt, deux êtres de Reine Bale sur TheBookEdition.com

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Voici deux extraits de ces nouvelles respectives : 

Le mal des origines :(après avoir rencontré un conflit sur son lieu de travail parti d'une discussion sur le conflit israëlo-palestinien, le personnage est envoyé dans un Institut de Redressement du Langage pour pouvoir réintégrer sa fonction, et ce afin qu'elle comprenne que sa "juiverie" dérange)

"Passées les premières hostilités, je me suis vraiment efforcée de comprendre ce que l’on attendait de moi. En définitive, je me demande dans quelle mesure je n’ai pas cherché à atterrir dans un endroit comme celui-là ; qu’on me donne enfin une explication à ce qu’en moi-même, je ne sentais que très confusément. Qu’on me dise : « Vois-tu, arrête tout ce baratin autour de ta juiverie. Rejoins le chœur de ceux qui vomissent Israël, qui pensent que là où il y a un Juif, il y a un problème. Oh oui, laisse-toi aller enfin à cette délectable haine de toi-même, à ce que tu ressentais enfant le jour de Yom Kippour quand toi et les tiens, vous vous voyiez comme d’infects pécheurs ; et puis qu’aussi, on me dise : « C’est à ce prix et à ce prix seul que tu seras réconciliée en toi-même et avec les autres, qu’enfin oh oui, enfin, tu pourras critiquer les Juifs en éprouvant un sentiment de justice, de libération, de tabou brisé, comme le jour où, du haut de ton infâme humanité, tu as joui en tapant un chat sans plus de raison que l’envie de lui faire passer cette sale habitude de passer devant toi sans un regard, dans une indifférence que tu jugeas intolérable. 

 ...Oui, je voulais entendre tout ce qui se dit quand on croit émettre une pensée juste et émancipée. J'avais envie de connaître également  l'effet que ça procure d'affirmer à la face d’un semblable qui se rend en Israël qu’il va passer ses vacances dans un état-voyou, et d'ajouter dans la foulée que la haine anti-juive après tout, ne se justifie pas mais qu’il n’y a pas de fumée sans feu, que le monde est poussé à bout par l’arrogance des Juifs, qu’à cause d’eux, plus personne ne peut connaître la paix alors qu’ils jouissent avec leur argent d’une situation enviable et enviée, et surtout qu’ils arrêtent enfin de geindre sur leurs six millions de pertes, que leur Shoah, on la dégobille ! On en a marre de prendre de la culpabilité à perpétuité ! "

Seconde nouvelle du recueil :

Une forêt, deux êtres. (La narratrice embarque quelques lecteurs volontaires dans la forêt en leur promettant à l'arrivée une surprise de taille ; en chemin, elle raconte son histoire)

"Après que mon fils devenu grand, beau et apte à affronter le monde fut parti, je restai seule dans un appartement minuscule d'une maison de village qui faisait l'angle d'un carrefour. Vous êtes-vous demandé qui vivait aux angles des carrefours ? Minima social, débrouille, soupe populaire. Nous sommes nombreux à confondre le vrombissement de nos oreilles assourdies et le roulement incessant des voitures sur le pavé. Nous endurons. Mon fils parti, j'ai pensé : tu es seule, mais libre. Ma vie n'a été jusque là qu'une course d'endurance pour nous éviter, mon garçon et moi, le naufrage. Travail à la chaîne. Etiquetage, emballage, bruits de machine. Vingt ans comme ça. J'ai quarante et un ans et j'ai dit : je veux la liberté. Pauvre : je le suis déjà, seule, on ne peut l'être plus, fatiguée, indubitablement si on me regarde bien. Visage beau autrefois, tiré par toutes les obligations de la vie : une ride pour les factures, une ride pour les soirées de solitude, une ride pour l'enfant qui n'a pas bien réussi à l'école. J'ai décidé alors que ce serait "le tout pour le tout" : boulot lâché, mendicité assumée, bibliothèque le jour, tente la nuit.

On m'expulse : « Non, pas ici la tente, Madame, s'il vous plaît ». Je tourne la tête : dans la ville, plus rien n'est possible. Places réservées partout. La forêt : c'est ce qu'il reste. Voulez-vous toujours me suivre ?

- Merci de rester encore, mes amis. Puis-je vous appeler ainsi ? Compagnons, d'accord, c'est préférable et exact : nous avons bien partagé un bout de pain ensemble, un bout de route aussi. Nous marchons depuis longtemps et sommes fourbus, je sais...tout ce temps à marcher sans savoir où nous allons, ce qui nous attend, à part que le vent s'apprête à nous cingler le visage. Et les yeux jaunes des sangliers aperçus furtivement dans les jas épais des ronciers...ils ne nous attaqueront pas...enfin, j'en suis presque sûre...on ne sait jamais...oui, oui, c'est vrai...on croirait que la forêt va se soulever contre nous, nous enrouler dans ses barbelés de bois tordus, nous moudre dans ses yeux jaunes. Des enfants, nous sommes des enfants dans les forêts primitives de nos peurs. Les pierres du sentier où passent les transhumances, deviennent un troupeau de caillasse qui érafle nos chairs molles et roule sous nos pas. De tous les éléments, je crois, la pierre est celle qui nous humilie le plus. Pluri-millénaire, dure, impavide quand nous sommes tout le contraire. Nous trébuchons souvent...et pourtant, nous sommes près, vraiment près du but ; en fait, c'est juste derrière le sommet...l'endroit n'est pas visible depuis les chemins balisés. C'est normal : on ne vient pas vivre ici pour y être vu.

...Cet endroit, juste derrière la barrière rocheuse qui l'arrête, je l'ai trouvé, comme j'ai commencé à vous le dire, en me réfugiant dans la forêt. N'allez pas imaginer que j'avais un penchant romantique pour les lieux sauvages et désertés de présence humaine. Non, il fallait juste un lieu où dormir la nuit, sans être chassée. J'aurais nettement préféré rester parmi les hommes ; je les cherche depuis si longtemps. Il y a bien eu des rencontres, des amitiés, et même de l'amour...en vingt ans, vous savez...Mais, il me manquait...comment dire...l'absolu...comme au moment où j'ai suivi ce professeur par amour...oui, il y avait là de l'absolu, même si je crois, en regardant avec une certaine précision les choses, que j'ai suivi l'homme qui me récitait "Les bijoux" de Charles Baudelaire pendant qu'il me faisait l'amour...  « La candeur unie à la lubricité », j'étais alors son esclave nue... « les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté », j'incendiais son désir qui me revenait comme une vague, « mon amour profond et doux comme la mer... »

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