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14 novembre 2013

journal de l'apprenti-écrivain.

Pendant que je n'étais pas là, j'étais à mon travail de romancière, le travail de celle qui cherche la publication d'un de ses romans.

Me voilà de retour et je propose, non pas une nouvelle, non pas un roman, bien que la liberté formelle du genre adopté me laisse toute latitude pour inclure le récit sous tous ses angles, si je le veux. Voici ce que je pourrais appeler une sorte de journal ; le journal n'étant qu'un terme commode qui me permettra d'écrire, non pas tous les jours, mais quand la nécessité s'emparera de mon stylo (nécessité d'humeur, de pensée, d'état personnel ou impersonnel) ce que je pense digne d'être écrit : tantôt forme achevée, tantôt remarques jetées.

Le jeudi 14 novembre 2013.

Quatre décénnies et deux ans, presque. Le temps est matière pour un écrivain ; vieillir est son aubaine, l'accumulation son seul et unique travail. J'ai des fantasmes liés à ce type de réflexion ; nombreux, ils me frustrent, me rabaissent à l'inachèvement essentiel de ma tâche et pourtant, ce sont eux qui me tiennent dans ce délire de vouloir écrire. Des désirs de totalité se bousculent, des folies de consigner sans arrêt, à tout moment, à tout bout de champ. De temps à autre, je m'en trouve exténuée. Et pourtant, c'est la seule aventure qui me passionne. Le reste, gagner ma vie, tenir mon intérieur, maintenir un peu de sociabilité, tout cela, dis-je, je l'accomplis comme un pilote automatique. La conversation banale m'ennuie après trois secondes... mais je fais l'effort... pas autant qu'avant, c'est vrai. Et cet effort, quand je l'accomplis, me réjouit souvent : car les vérités se logent dans les détails, telle inflexion de voix, telle inclination de tête, conviction jouée ou non... Les yeux brillants d'une habitante du quartier m'indiquent qu'elle vient de pleurer ; elle répond à mon "ça va ? " d'un énergique "ça va" surjoué. J'aimerais bien lui signaler qu'elle n'est pas contrainte avec moi de poursuivre la comédie sociale. Mais elle y tient à sa comédie, je le sens ; alors, surtout, je m'efforce à mon tour de ne rien laisser transparaître de ce que j'ai pu deviner et qui pourrait la gêner. Il faut absolument qu'elle croie que je croie que son "ça va " était parfaitement normal ; il ne faut pas l'embarrasser, en rajouter, surtout pas ; si elle souffre par moi, le dard de ma conscience va se lever et me piquer. Il en va de l'ordre de l'univers : j'ai cette croyance, cette "superstition" qu'il ne faut ni ajouter, ni retrancher quoique ce soit au monde, sauf si l'on est certain d'apporter réellement un bienfait.

A chaque fois que j'ai touché à l'intégrité ou même à l'apparence des choses, de facheux événements sont survenus. Je me demande comment certains font pour se sentir innocents même quand ils sont d'évidence méchants ou coupables. De toute façon, il faut verser sa quote-part à l'enfer, d'une manière ou d'une autre. Il y a plusieurs catégories de personnes : celles qui paient leurs fautes auprès d'un tribunal des hommes, celles qui paient en se sanctionnant elles-mêmes, celles qui paient dans leur vie-même comme si une comptabilité se faisait au-dessus de leur tête, celles qui ne paient jamais (en apparence du moins). Je suis dans la troisième catégorie. Je dis bien "comme si une comptabilité....", car il m'est apparu aussi limpide que l'eau de roche, que nos actions, nos paroles, nos pensées entraînent des secousses sismiques invisibles à l'oeil nu, ou qu'aucun appareil de mesure n'est capable de jauger, mais dont l'effet est "enregistré" quelque part : la raison, s'il en est une, d'écrire, est de mener mes recherches assez loin pour savoir où se trouve ce lieu, ou alors, comment il "réplique". Ce serait bien d'avoir encore du temps devant soi pour chercher.

Aussi, j'accomplis l'effort considérable de ne pas croire en Dieu pour m'éviter de court-circuiter mes recherches. Non, ce n'est pas vrai. Je ne crois pas en Dieu parce que ça me fait peur d'y croire ; avec l'idée de Dieu, je ne pourrais même plus écrire, je ne pourrais plus vivre sans me sentir fautive de vivre à chaque instant ; je ne pourrais tout bonnement pas supporter d'exister, de participer à la rupture de l'harmonie, du bien, de l'innocence...même à petite échelle... Déjà que c'est difficile...Déjà qu'écrire me semble une démesure, même à mon tout petit niveau sans prétention ; même si peu de gens me lisent, je me dis que c'est déjà trop. Et si on me rappelle que je ferais mieux de me taire (car certains apprécient de saper la raison d'exister des autres, même si on ne les gêne pas), c'est possible après tout, et bien, on me tue un peu. Je ne pourrais jamais affirmer que je suis plus "légitime" à écrire que d'autres. Simplement, quelles que soient mes qualités ou mes non-qualités littéraires, je n'aime pas qu'on mente avec la littérature. La littérature n'est pas un jeu où l'on brille, où l'on se fait mousser pour recevoir des prix et des louanges. Je ne sais pas si Dieu existe, mais s'il n'existe pas, on a besoin quand même de se faire une idée du sacré. Un point de mire d'où nous parviennent les scintillements du beau et du bien. Et qu'à la lueur de ces reflets, on se raconte sans fin nos douloureuses péripéties qui ont nous ont déportés de ce point...Il faut se laisser une chance de ne pas croire en Dieu...

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