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16 novembre 2013

Journal de l'apprenti-écrivain

Samedi 16 novembre.

Il faudrait faire un test : se couper complètement de l'information, éteindre toutes les sources de l'actualité, et aller son train. Alors, le cours de la vie changerait-il radicalement ? Les "macro-changements" sont-ils observables à l'oeil nu ? Quand un pays est en paix, le chemin de l'existence semble  se dénuder comme une bête qui se voit vidée de son sang, qui pourrait encore s'observer quand on la dénerve et l'accroche au séchoir ; on nous accorde en quelque sorte la possibilité de nous regarder vieillir, décrépir, mourir ; c'est l'insigne privilège des hommes en paix. Si on ne meurt pas atrocement, haï par son prochain, exécré par une partie de l'humanité, on finit par crever d'ennui, de cancer, ou de sagesse. La guerre, qu'on le veuille ou non, est intrinsèquement partie prenante de l'énergie qui combat la mort ; que cette énergie finisse par se retourner contre elle-même, à provoquer ce contre quoi elle s'insurgeait, ne fait que verrouiller la scène où se débat convulsivement la condition humaine ; et c'est atroce de le dire, de le sentir. C'est atroce de comprendre que les hommes chercheront à provoquer des conflits qui ne feront que causer à d'autres ce qu'ils craignent pour eux-mêmes dans un élan de révolte insensé et destructeur. Mais en lisant les Journaux de guerre de Ernst Jünger, on ne peut pas passer à côté de cette énergie qui irrigue la guerre comme si elle seule était capable de renforcer tous les contrastes entre les blancs et les noirs de la grise répétition essentielle de la vie, contrastes si peu marqués dans une existence sans combat, à part dans ces instants singuliers de naissance, de mort, d'amour. La civilisation pacifiée nous lègue non pas la maladie, mais le malaise comme disait Freud. Une vie qui s'écoulerait sans connaissance des conflits, sans éclaboussure de ces conflits, s'apparenterait et s'apparente déjà pour beaucoup, à une sorte de longue convalescence. Convalescence plus souhaitable que n'importe quelle mort dégueulasse où notre chair aurait été hâchée menu par les séides d'un idéologue dégénéré ; mais, au milieu de cette fortune en flux et reflux, qui est heureux ? "Personne" répondait catégoriquement le Serviteur de Médée.  

Une autre question me taraude, mais je l'aborderai en profondeur plus tard : c'est la question de l'engagement ; engagement qui pourrait capter l'énergie de la guerre mais à des fins philosophiques constructives. Un écrivain qui se respecte aujourd'hui, ne peut plus se mettre au service d'une idéologie quelconque. Après les régimes totalitaires, il serait inouï de subordonner la pensée à des visions schématiques. La récidive serait impardonnable ou pathologique ; je pense à Alain Soral qui essaie encore de nous rejouer la vermine antisémite...fatiguant ce manque de créativité (même dans la haine, il faut essayer d'être inventif). Et je pense aussi à tous ces post-soixante huitards qui ont reçu la foudre de la révélation religieuse...des maoïstes devenus cabbalistes ou papistes...des jouisseurs qui ne ratent pas la messe à l'église orthodoxe le dimanche..."Combien crois-tu que j'en connaisse qui par ce vil stratagème ont racheté les désordres de leur jeunesse ?"...Dom Juan, encore lui : "L'hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus."...Religion de pacotille, mascarade du repenti...non et non et encore non. Et puis, on a ces blablablateurs indignés qui n'ont jamais parlé à un ouvrier, jamais mis un pied en banlieue, qui ne connaissent de la merde que la crotte de chien que leurs semelles ont incidemment rencontrée sur un trottoir de Saint-Germain où des petits vieux ont fait se soulager leur bichon. Alors la tentation est fatalement l'abstention, l'absence d'implication réelle...la solitude, le repli...je commence à trouver cette exclusion volontaire finalement assez commode, et pour être honnête, légèrement paresseuse. Je suis excentrée, isolée, autant géographiquement que par l'écriture ; il y a quelque chose en moi qui ne "participe pas", qui demeure en périphérie...et dans cette présence au monde, qui est presque absence, il y a une forme de démission, il faut bien le dire...Question pas réglée, donc.

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Commentaires
M
Bonjour<br /> <br /> Je suis passée à l'acte et j'ai quitté Paris, et le travail de communication dans un grand média qui était le mien. Et je suis rentrée chez moi, à Madagaascar, mieux que ça, ai trouvé refuge dans une immense maison, loin de tous les bruits, loin des flux d'informations. C'est vrai qu'une vie d'ermite n'est pas concevable, mais ce dépouillement, loin des apparats est vital. Les paysans avec lesquels je vis m'ont appris peut-être l'essentiel, une chose qui s'appellerait sérénité.et le silence. Mais je suis honnête, je n'ai pas complètement coupé. La maison est une maison d'hôtes, où le dimanche, viennent ceux qui ont besoin de silence et deux jours par semaine, je suis en ville, où je renoue avec "la vie". Le silence, la lenteur apprennent beaucoup. Je ne saurais dire quoi. Peut-être le rapport avec soi-même. Et quant à l'engagement de l'écrivain, vous avez raison, il est plus que malséant de se poser en donneur de leçons, le travail est peut-être plus simple, faire le plus honnêtement possible le travail qui est le sien et partager avec les autres, les plus démunis, les techniques et le savoir appris, surtout à ceux que tous les systèmes possibles et imaginables ont dépouillés de tout
M
Bonjour<br /> <br /> Je suis passée à l'acte et j'ai quitté Paris, et le travail de communication dans un grand média qui était le mien. Et je suis rentrée chez moi, à Madagaascar, mieux que ça, ai trouvé refuge dans une immense maison, loin de tous les bruits, loin des flux d'informations. C'est vrai qu'une vie d'ermite n'est pas concevable, mais ce dépouillement, loin des apparats est vital. Les paysans avec lesquels je vis m'ont appris peut-être l'essentiel, une chose qui s'appellerait sérénité.et le silence. Mais je suis honnête, je n'ai pas complètement coupé. La maison est une maison d'hôtes, où le dimanche, viennent ceux qui ont besoin de silence et deux jours par semaine, je suis en ville, où je renoue avec "la vie". Le silence, la lenteur apprennent beaucoup. Je ne saurais dire quoi. Peut-être le rapport avec soi-même. Et quant à l'engagement de l'écrivain, vous avez raison, il est plus que malséant de se poser en donneur de leçons, le travail est peut-être plus simple, faire le plus honnêtement possible le travail qui est le sien et partager avec les autres, les plus démunis, les techniques et le savoir appris, surtout à ceux que tous les systèmes possibles et imaginables ont dépouillés de tout
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