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29 juillet 2013

Feuilleton : disparition de Régina Basel. Chapitre deux.

Patrick s'apprêtait à approfondir ses recherches pour retrouver Régina en chair et en os, mais son fils dont il a la garde un week-end sur deux, interrompt son projet :

"Son fils était là, souriant, planté devant la porte. La mère était déjà en bas, dans la voiture, en partance vers une destination reposante pour le week-end avec son nouvel « amoureux ». L’enfant n’aimait pas cet homme ; non, il n’aimait pas que sa mère en aimât un autre car l’enfant avait conservé l’espoir de la réconciliation de ses parents. Patrick embrassa son fils ; l’amour qui les unissait était aussi puissant que silencieux. Ils se comprenaient au quart de tour, se parlant ce qu’il fallait parler, ce qu’il était exigible de coucher en mots ; les choses de l’organisation, quoi. Pour le reste, les sentiments, les peurs, les pensées intimes, il y avait le silence.

            Hugo était un enfant de son époque : accoutumé trop tôt aux douleurs du cœur par la séparation de ses parents, gâté de babioles technologiques pour calmer ses vides et les pensées attristantes, abruti de jeux vidéos, alerte, bon copain, l’intelligence technique pour la technique et une considération pour la culture proche du néant, il n’apprenait que très peu de choses à l’école et beaucoup de futilités devant ses écrans. Un enfant de son temps, pas de doute. Le petit garçon avec lequel papa redevenait volontiers un petit garçon. Mais Patrick n’eut, en voyant son fils, aucune envie d’aller mettre la wii-fi pour jouer aux courses automobiles ni même de dégommer des zombies avec une mitraillette, fussent-ils des nazis morts-vivants, contrefaçons des pires contrefaçons humaines.

            Hugo sentit que le père n’était pas l’ami qu’il était habituellement. Et il se mit à bouder, à marmonner autant qu’il put pour protester.

« Désolé mon grand, expliqua Patrick, je ne suis pas d’humeur à jouer ce soir. On pourrait peut-être s’occuper tranquillement ?

Le gamin, avec un joli petit nez mutin et une moue délicieuse (ou délicieusement horripilante, tout dépendait de la durée de la bouderie) inonda sa réaction de soupirs désabusés et, point d’orgue de sa protestation :

- J’aurais mieux fait de rester avec maman et son copain.

Patrick tressaillit à cette réplique, pour deux raisons : la première était que son fils, à la moindre contrariété, cessait d’être l’allié objectif de son père dans cette guerre larvée entre ex-époux ; et de deux, le fils venait d’apprendre au père l’intrusion d’un tiers,  d’un « copain ». Son ancienne femme refaisait donc sa vie ! Elle qu’il s’imaginait éternellement disponible à lui, accrochée à l’espoir de le voir revenir comme le saint se persuade de la visitation de Dieu ; lui, Patrick qui avait eu tant de maîtresses mais n’avait jamais « installé » une nouvelle femme sous son toit, laissant ainsi l’idée du possible, possible…Quelque chose venait de mourir dans ces mots d’enfant, cet enfant qui répétait chaque semaine à son père comme à sa mère : « Quand est-ce que l’amour il reviendra ? », question aussi douloureuse que désopilante, comme si l’amour n’avait qu’un petit tour à faire, au bout de la rue et qu’il allait revenir tôt ou tard à la maison recouvrir le foyer de son aile protectrice ; l’enfant n’était plus l’enfant ce soir. Ses mots déchiraient l’innocence de l’enfance, le fragmentaient, le pulvérisaient. Un mythe en lambeaux. Patrick en eut le cœur soulevé. Il s’était maintenu dans l’enfance par le sacrifice de son propre enfant : il n’avait pu aimer la mère comme il aurait dû, avec effort et constance, il avait voulu jouir du corps d’autres femmes sans en aimer aucune, salir le nid de ses mensonges, piétiner la mère de son fils pour continuer à être lui-même un enfant, retirant au fils la prérogative d’en être un. Voilà : le monde s’inversait. Le fils, qui venait dire qu’il avait tout compris, était un homme avant d’avoir un poil pubien au bas-ventre, le père était un enfant avec un gros sexe poilu qui ramenait des filles comme on joue aux petites voitures. Et la mère, rejetée par le père, s’essayait à demeurer une femme avec « un copain ». C’est l’image éclair que Patrick reçut de cette information, de sa famille « décomposée ». Le retournement monstrueux de la famille moderne, l’envers du décor.

            Il ne sut que répondre. Hugo comprit la déroute du père et, retiré dans sa chambre, il étouffa quelques sanglots. Patrick s’efforça alors de jouer au « bon copain », d’y mettre une conviction de composition, de reprendre les us qui les unissaient chaque week-end sur deux ; mais l’effort de les maintenir les condamnaient à l’artifice, en rompaient l’évidence et, ce fut un week-end lugubre ; deux jours où l’on tenta de donner au souvenir l’apparence du présent comme l’on maquille le mort avant de le mettre sous terre. Quand la mère reprit son bambin, Patrick fut plus triste que jamais et en plus, il se découvrit jaloux. Un beau gâchis. Et la seule idée qui lui sembla lumineuse fut de poursuivre ses recherches pour retrouver Régina, en chair et en os.

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Commentaires
R
Je suis pas payée au rendement, moi !
C
Chapitre trois... t'as prévu de l'écrire au moins, hein??? C'est long!!!
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