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21 septembre 2013

Fin de la fin ; fin du fin !

 Voici une version plus fournie de la fin qui permettra au lecteur de rentrer plus à fond dans l'intériorité des personnages. Cette fois, on n'y reviendra plus...

Chapitre VII- Epilogue

 Régina retrouva sa solitude, revit sa fille au moment de son tour de garde ; Patrick connut symétriquement la même situation. Il avait retardé de deux jours son train, deux jours supplémentaires pour se gorger l’un de l’autre ; il leur avait suffi d’emprunter des routes ensemble, de s’arrêter le soir dans les auberges, d’y faire l’amour à chaque nuit tombée pour semer loin derrière eux les cavaliers de la mort ; pour une fois, ils avaient une longueur d’avance sur eux. Patrick apprit que Régina était une femme vive et impatiente, ne supportant pas un mot mal employé ; heureusement, Patrick n’était pas un grand bavard et ce qu’il aimait par-dessus tout (ou bien ce qu’il savait faire de mieux), était d’apprendre par les mains et par les yeux ; il avait été peintre et il parvenait à bien plus saisir le monde en le regardant qu’en le parlant. Son désir passait par les mains ; et il apprécia particulièrement la cambrure de Régina ainsi que ses jolis seins. Mais le vertige qu’elle lui inspirait provenait du regard : c’était là son centre de gravité, là la porte mi-close sur son intériorité. Quant à elle, elle ne chercha pas à savoir qui était Patrick ; quelles étaient ses opinions politiques, littéraires ; il l’emmenait sur les routes, travaillait à l’aimer ; et pour l’aider, elle lui offrait à caresser, à sentir, à s’imprégner de sa peau autant de fois qu’il le désirait. En le voyant si appliqué à explorer sa peau, à mêler ses odeurs aux siennes, elle comprit que Patrick aspirait à l’aimer sincèrement, jusqu’au bout de la chair, jusqu’au bout de ce que le sexe pouvait sceller au fond des entrailles, au-delà de ce qui entre deux êtres pouvait être dit, même un secret ; oui, car Patrick avait aimé Régina depuis le début, enfin, il avait aimé « le mystère Régina » et maintenant que ce mystère s’était incarné, il ne restait plus qu’à l’incorporer ou à le fuir. Et elle apprenait comment Patrick apprenait, et elle aimait que Patrick l’aimât, et elle se répétait : il est venu jusqu’à moi ! Et il repartit au nom du travail, au nom de son fils, au nom de la voiture de location, au nom du billet de train…Ce fut une sensation pénible mais Régina ne dit rien. Même pas « à bientôt ». Et quand le train s’éloigna en cette fin du mois d’octobre, elle resta à quai, pensive, puis alla s’acheter le journal comme pour s’évader par des faits qui ne la concernaient pas, racontés par des mots qui ne la touchaient pas : « La parole libérée du Front national » ; ou encore : «  Le sentiment grandissant d’insécurité » ou bien « Le Hollande-bashing » ou bien « L’escalade de la violence dans les quartiers de Marseille ». Pendant trois jours et trois nuits, elle et Patrick, sans le savoir, avaient mené la vie dure au chaos ; on aurait même pu croire qu’il avait fait une trêve, pris un peu de repos avant de reprendre du service. Mais face au désordre avancé dont le journal témoignait médiocrement, Régina éprouva d’un coup, avec le passage des trains devant elle à toute vitesse, que l’amour, ou tout du moins ce qu’elle vivait avec Patrick, n’aurait pas plus d’effet qu’un chuchotement parvenu aux oreilles d’un géant. A sa manière, Patrick ressentit presque la même chose quand il referma la porte de sa maison derrière lui.

      Ce qui le bouleversa, ce n’est pas que Régina lui manquât ou qu’il sentît le vide après ce plein ; non, ce qui le bouleversa, c’était que rien à son retour n’avait bougé, pas un objet de son intérieur, pas un mail de boulot qui manquât à l’appel, pas une parole échangée avec les autres qui eût été traversée par les modifications de ces derniers jours…rien…tout était parfaitement organisé, en place, et pas près de basculer dans le chaos. Son amour n’avait laissé aucune trace dans le monde qu’il retrouvait. Les preuves ? Où étaient les preuves à part ce léger mal de tête hérité de sa chute lors de son malaise vagal ? Tout se passait comme si le temps de l’amour avec Régina avait été emporté dans quelque fleuve d’Oubli et qu’il importait au Temps de lisser ce qui un instant aurait pu briser sa ligne, son imperturbable ligne. Il pressentit avec l’angoisse chevillée à la gorge que l’immortalité n’était pas de ce monde, mais en cruelle compensation, il y avait l’immuabilité des jours, ce que l’on nomme communément « routine » et dont la fonction dans l’ordre de l’univers, n’avait peut-être pas d’autre raison que de nous dégoûter de l’éternité. Oui, si l’éternité, c’est le recommencement du même, alors, alors…à quoi bon rêver à  plus qu’une vie ?

      Le ciel morne de la Toussaint…cette année comme les autres n’avait pas manqué d’accabler Patrick ; le souvenir de sa mère, et cette fois plus encore : la sensation que tout ce qu’il venait de passer aux côtés de Régina, ce voyage, cette rencontre, les routes du Sud, tout cela était comme déjà mort. Que rien dans une vie ne pouvait être modifié à part la mort qui en interromprait le cous. Que la lumière qu’il avait contemplée du haut des imposantes gorges du Verdon  avec Régina ne pourrait jamais les unir à l’éternité, à part si peut-être ils consentaient tous deux à demeurer dans les territoires irréductibles où les solitaires, les disparus, les désespérés de tout poil se résignent à ne plus rien attendre.

      Patrick était tout à sa mélancolie ; et cette fois, ce fut Régina qui l’en tira. Elle l’appelait ; il laissa sonner. Puis, il prit le téléphone : un message de Régina.

« Je ne devrais pas vous appeler… Je ne devrais pas rajouter une touche de couleur au tableau ou une note de musique à la symphonie. Je sais que ça peut tout gâcher…mais c’est le jour des morts…Vous rappelez-vous que vous êtes venu me chercher, cher Orphée, d’entre les morts ? » Et oui, la remarque était juste…Comme il était ravi d’écouter le son limpide, le timbre si féminin de sa voix !  Ces notes musicales qui lui rappelaient quelques délices nocturnes…ah, le sensuel ! Il avait bien fait de ne pas lui parler ; il avait bien fait de ne pas interposer sa voix entre elle et le contenu de ses mots, cette pénétration de la possibilité de la fin de leur amour, de la mort qui en amour comme ailleurs a toujours le dernier mot, oui, il l’avait laissée venir à lui pour fortifier son désir encore trouble, ce désir qui avait été initié par le visage d’une défunte sur une page facebook ! Il était venu à elle sans comprendre ce qui l’y avait poussé ; mais à l’entendre, quelque chose s’éclairait, tout comme sa voix l’avait éclairé quand à l’hôpital, encore groggy par sa chute, elle lui avait susurré des mots rassurants dans cette nuit de solitude ; il comprenait qu’il avait suivi cette voix pour se sauver lui, se sauver du long couloir sans âme qu’il traversait depuis des années en se leurrant sur sa vie, ses choix, ses idées. Régina désignait son mal et en la sauvant, il pouvait espérer se sauver lui-même. Maintenant, elle était là vivante au bout du fil, à portée de main comme jamais ! Il savait qu’il pourrait aimer son corps, ses mots, sa folie ; qu’il n’était plus seul !

      Il sortit déposer des fleurs sur la tombe de sa mère, sur cette tombe grise du triste cimetière situé au carrefour d’Aubervilliers et de Pantin. Cette année, il le fit presque tranquillement, sans cette nausée qui précédait et suivait cette visite. Puis, il décida d'aller à Paris, de traîner dans les rues du quartier latin ; Régina lui avait raconté qu'elle avait fait ses études à la Sorbonne. Il s'imaginait, chaque fois qu'il posait son pied à terre, que Régina avait foulé ce même centimètre du trottoir du Boulevard Saint-Michel ; encore une manière d'approcher le coeur de son territoire, de son planisphère intime ; il se réchauffa dans le café d'en face l'Université. Puis, il eut envie de l'appeler, de se rappeler à elle autant qu'elle se rappelait à lui, dans ce lieu où elle aussi avait dû venir avec sa guêtres d'étudiante en Lettres. Elle riait au téléphone : elle disait qu'elle était bien heureuse de l'entendre. C'était si direct ! Presque déconcertant au regard du mystère autour duquel elle s'était nimbée ! Sa présence n'était plus faite de cette espèce de trou noir où semblait disparaître la matière même de ses sentiments, l'objet de sa recherche comme pendue à un vide toujours plus pénétrant, toujours plus vide et plus déroutant. Depuis sept ans, il n’avait connu Jour des Morts plus serein ; sept années à revivre ce jour dans l'angoisse des réminiscences livides de la mort ; sept années sans joie réelle ; sept ans fois trois cent soixante cinq jours de Jour des morts ; sept ans pour faire le chemin à l'envers : aller vers la "morte-déclarée" et retrouver par elle, en elle, la vie.      

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Commentaires
R
Non mais je rêve ! Encore des réclamations ! M'en vais te donner une correction digne de ma souche de noble roturière !...Sérieusement : en rajouter ne rajouterait rien...ou pire, endommagerait ce qui est dit. Moi aussi, j'ai un peu le blues de la fin...la fin d'un feuilleton est le pire moment d'une histoire (car le feuilleton reproduit une forme d'éternité temporelle à petite échelle et la fin sonne comme une petite mort...du moins quand ça marche)...Allez, m'en vais créer vite un autre roman !
C
Version longue??? Comme t'es un voyou du 93, je vais t' jacter de toi à moi ; Tu t' fous d'ma tronche????
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