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13 juillet 2013

Chapitre II -feuilleton du roman "La disparition de Régina Basel"

Le feuilleton reprend. Je n'ai pas disparu comme Régina Basel et me revoilà donc après cette pause annuelle. De nombreuses occupations m'ont éloignée quelque temps de ce blog (deux semaines et demi au lieu des dix jours prévus initialement) et j'espère que cette absence ne retirera pas au lecteur le plaisir de se raccrocher au récit. Pour l'aider, voici un résumé : sur Facebook, une femme dont le nom est Régina Basel, qui avait ses amis, ses habitués, déclare un jour qu'elle est morte en postant message et photos de son décès. Pensant à un canular, les "amis" s'interrogent, questionnent la femme, s'inquiètent, puis face à son insistance à se déclarer morte, ils s'en détournent sauf un : Patrick Latour. Cet homme s'intéresse, sans vraiment le vouloir d'abord, à cette femme. Le récit se concentre sur lui, sa vie, ses vides. Régina finit par l'obséder...

Chapitre II- 

Qu’arrivait-il à Patrick ? Que réveillait Régina en lui ? A quoi son absence, ou plutôt sa déclaration d’absence rendue présente à chaque fois qu’il ouvrait son ordinateur, le ramenait-il ? Il suffisait d’appuyer sur un bouton pour annuler ce monde virtuel, il suffisait de rire des propos d’outre-tombe de Régina pour les invalider aussi sec et passer à autre chose de plus consistant, il suffisait de se plonger dans son travail, de préparer la venue de son enfant ce week-end, d’appeler les copains qui luttaient contre l’aéroport de Notre-Dame et de conspuer  la société de consommation en chœur avec eux tout en communiant sur le respect de l’environnement…il suffisait…

            Patrick revint en sueur chez lui, de ce champ de maïs dans lequel il avait perdu quelques grammes de sueur et gagné une révélation foudroyante (ou peut-être mystifiait-il déjà son besoin incontrôlé de se défouler ; dans ce monde, il ne faut pas écarter cette hypothèse puisque l’idée même d’un « mystère » ne peut provenir de personne d’autre que soi. Le pouvoir de ramener Régina à lui faisait de toute façon moins appel à son état modifié par sa course éreintante, qu’au désir que suscite normalement une personne qui se dérobe. Patrick Latour, en homme contemporain, ne comptait que sur son désir, qui lui parut en un bref instant bien plus puissant que toute nécromancie à laquelle il aurait pu, en d’autres temps, se livrer. La magie noire ressortit désormais de la littérature populaire, du film d’horreur exploitant la mélancolie à quelque fin commerciale, sans la profondeur initiatique que la littérature gothique,- celle qui est née dans le brouillard anglais d’un dix-neuvième siècle où se métissent croyance et raison, ou bien dans l’esprit maudit d’un écrivain maudit comme Poe- a initiée, ne retrouve cet état particulier qui éviterait la pénible sensation d’être placé en face d’une parodie, involontaire qui plus est) : cette fois, il dénouerait le mystère de néant avec lequel Régina lui était apparue : il en riait d’avance. Cette petite garce ne lui échapperait pas, peut-être même qu’il la glisserait dans son lit, un lit réel avec des cris de plaisir très réels ! Ah oui : pour elle, il réveillerait bien les morts…Des désirs de souillure, des dépravations insensées enchevêtrées avec les images que Régina avait placées sur son profil -surtout celle où elle était assise dans son cercueil- l’excitaient, bien que sa conscience les repoussât simultanément, et achevèrent de le précipiter devant son écran.  

           

Pendant ce temps-là, un être, ne sachant très bien s’il vivait, mourait, évoluait comme dans un songe dans une maison placée loin des centres des villes, loin des turpitudes et des plaisirs, des détails qui meublent un intérieur et une vie entière ; cet être, Régina en personne, habitait dans une petite maison, dans un sud que seuls quelques touristes venus de loin pour prendre au soleil ce qu’il leur devait annuellement, auraient trouvée à leur goût, même dans son dénuement complet. Une petite maison à flanc de colline, dans cette géographie que Giono a inventée de ses mots. Une maison que les bergers seuls connaissent. Cachée par deux chênes prodigieux et un pin. Volets clos de bois vermoulu. Ouverts une fois le jour. Le ciel, la maison, les arbres, et tout autour, des collines. On se rapproche du grand chêne, celui qui fait complètement face à la maison. Oui, celui-là. Une boîte à lettres ! Le nom : presque effacé. On distingue deux noms, peut-être trois. Un nom rayé, cela est sûr. Ne faisons pas tant de mystère : si nous sommes là, c’est que nous savons qu’elle est derrière l’un de ces volets. On peut déchiffrer « Régina Basel » et un nom rayé à côté. En dessous, on lit, « Camille » Basel et encore un nom à peine visible, il y a eu des noms composés ici.

Le facteur ne la voit plus depuis deux mois, depuis qu’elle est revenue dans ce village où l’on dit qu’elle a connu bien des malheurs… 

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