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21 février 2015

Coups de griffes au nihilisme.

II- Coups de griffes. Nihilisme.

Après quelques hommages rendus aux deux sexes et surtout à la présence singulière qui émane de la répartition génétique traduite dans mes textes, je voudrais faire part des fatigues sourdes et des énervements braillards que chacun de mes écrits à ma façon exprime par la voix indirecte de mes personnages à qui il est prêtée l'expérience aboutie de mes pensées, de mes analyses.

Créer un personnage signifie déplacer la conscience dans une zone où confluent les échanges entre moi, le bruit de fond du monde, et l'effort considérable de l'individu pour y être entendu. Autant dire que j'ai écarté d'office les grands mouvements collectifs qui pour ma part ne rentrent pas dans une analyse crédible de notre univers occidental ; j'ai décrit une émeute meurtrière à Paris dans Civilisation perdue (roman disponible sur ce blog), posé l'existence d'un syndicaliste qui perd sa voix dans Une issue sans voix (syndicalisme qui perdure dans un état moribond, roman également disponible sur ce blog), et inventé un mouvement insurrectionnel composé de marginaux dans Une forêt, deux êtres, mais rien d'une révolte qui contesterait de fond en comble le socle fragile sur lequel nous reposons depuis que nous sommes passés à une démocratie molle, dont les faiblesses et les forces ont largement ont été analysées par Tocqueville dans tous ses paradoxes : l'égalité tyrannique au détriment de la liberté, l'Etat despotique et l'individualisme forcené -lesquels pris à part, constituent bel et bien des "acquis". Le sein du monde occidental couve son propre serpent dans la réalité nivelante de l'équivalence entre les hommes, de l'Etat qui définit et abolit toute identité singulière, et de l'individualisme dont la quête acceptée, incitée, qui ne remet pas en question la validité de l'Etat et des principes d'égalité, est celle d'un confort appréciable mais médiocre, d'un bonheur sans épine dorsale qui finalement aboutirait à contredire les principes desquels il découle : liberté de l'esprit critique qui ne se résume plus qu'à critiquer un produit contre un autre au nom d'un marché libre et concurrentiel ; la vie de l'esprit, elle n'aura plus qu'à se contenter des miettes clandestines où elles se sont éparpillées en espérant qu'une petite communauté de marranes n'omettra pas de reprendre les anciennes célébrations qui nous reliaient à un chant primordial. Finalement, la démocratie, régime d'égalité, sécrète des inégalités car "quelque chose résiste" à la fusion de tous dans une énergie dirigée uniquement à entretenir le circuit d'une machine de moins en moins efficiente pour délivrer au moins les quelques bénéfices qu'elle est censée nous prodiguer (et nous prodiguait, parfois) ; l'absence d'"intégration" de certaines jeunes personnes issues de la première génération d'immigrés qui évoluent dans les territoires perdus de la République, malgré la douceur affectueuse de la démocratie qui les appelle à rejoindre le même ennui que le reste de la communauté nationale, est une forme de résistance ; oui, mais une résistance par le bas. Par le bas ? Pourquoi ? Parce que, premier point, l'économie des territoire perdus, l'économie de la drogue est la même que celle de l'économie capitaliste et libérale, qui elle-même est une économie de voyous partant du principe que tout est bon à vendre et que tous les moyens sont bons pour arriver à cette fin : la délinquance visible  serait ailleurs invisible car passant par des paradis fiscaux etc... ; et, deuxième point, parce que le retour à la religion par la voie du radicalisme islamiste s'opérant dans les caves ou dans les prisons, est un nihilisme. Et que dire de ceux qui s'en sortent ? Ils s'emmerdent démocratiquement comme nous tous : c'est ce que j'ai essayé de décrire dans Une moitié d'homme en rappelant l'ennui inhérent à la proposition démocratique où la journée d'un homme est moins dure que celle d'un esclave en degré, en intensité, mais c'est dans le fond la même : lever, conditionnement au travail, départ pour le travail, travail qui ne rémunère pas assez (à peine pour payer ce qu'il faut payer), ou travail qui rémunère mais qui nous bouffe toute la vie (parce qu'on est cadre et qu'on n'a pas d'horaire) et que dans le fond toute cette organisation ne renfloue rien ni personne à part un système d'économie politique dont aucun en particulier ne tire les ficelles, mais pour laquelle chacun oeuvre sans savoir pourquoi : le personnage Benjamin Kahn (Une moitié d'homme), qui s'est rangé à l'existence insignifiante du cadre d'une entreprise produisant des babioles technologiques fait "exploser sa vie" en se rendant en Israël où il explose sur une bombe, illustre assez bien l'alternative étriquée que notre monde offre à un homme qui tente de s'échapper de la prison d'un quotidien têtu et mortifère ; et disons qu'à travers ce personnage, je résume deux guerres qui se livrent en ce monde où l'esprit suicidaire est à l'oeuvre : l'existence morne et dépressive du cadre qui reproduit ses gestes mécaniquement ou bien le suicide du kamikaze, qui d'une certaine façon, règle le problème de son ennui futur dans la structure pacifiée et dépressive du travail à l'occidental. Nihilisme endogène ou exogène, nihilisme par assoupissement, nihilisme violent. Une moitié d'homme, de ce point de vue, aurait dû recevoir une publication si la flasque confrérie des éditeurs n'avait été déjà avalée par le trou noir en expansion qui, à ce qu'il paraît, exerce une force d'attraction irrésistible sur les petits corpuscules de l'univers : on me rapporte qu'ils y sont allés presque gaiement, en se laissant tirer doucement vers les ténèbres depuis lesquelles s'étiraient leur bouche élastique proférant des Oh ! et des Ah !, onomotapées résiduelles d'un trop long contact avec des "auteurs" n'en finissant pas de remplir le trou noir d'histoires sans intérêt...enfin, laissons-les : ils ont trouvé une béance où se moule la leur...ils sont, paraît-il, en harmonie avec le néant, seul marché qui en temps de crise n'en finit pas de grossir : l'anus n'est plus solaire, il est cosmique et bientôt, à force de contorsion, nous parviendrons à rentrer notre tête dans notre trou du cul réalisant ainsi l'acte mystique suprême des retrouvailles avec nos origines, puisque nos premières cellules constituées dans le foetus, rappelons-le, sont celles de notre trou de balle. Il se pourrait d'ailleurs, d'après des théories phénoménales et des écrivains qui exercent une fascination non démentie (Bataille par exemple), que le "tout" soit dans notre "néant", selon ces audacieuses conjectures, que nous n'ayons pas d'autre destin que de trouver Dieu dans nos orifices, nos liquides séminaux, spermatiques, coulées de caca, mouillures de vagin, jets d'urine (qu'est-ce qu'on pisse dans Madame Edwarda !), qu'enfin, ma foi, la trivialité soit mille fois sanctifiée comme condition enfin accessible à un trou plus grand que le nôtre puisqu'on ne peut pas faire autrement, puisque l'effort d'élévation semble impossible et même incongru ; notre mode de vie "libérée" des entraves du péché en prendrait un sacré coup ; alors, forniquons puisque c'est l'acte politique de libération que nous avons mis en place ; et tâchons de trouver cela "mystique" puisqu'on y est. Bites, couilles, chattes...et rions de bon coeur avec Charlie : c'est le fin du fin à la française.

...L'époque est aux échelles cosmiques, après tout : la terre a déjà été explorée de fond en comble. L'anéantissement auquel tout le monde oeuvre à son échelle va aboutir à un résultat enfin extraordinaire que n'aura accompli que très partiellement la Seconde Guerre Mondiale  : enfin le fleuve de l'Oubli, ce fameux Léthé, va recouvrir la surface de notre planète bleue d'un coup de vague rebelle secouée par quelque changement climatique retors ou bien d'un massacre à grande échelle ou bien encore par soumission de tous vis a vis de tous où nous n'aurons plus le droit de dire que trois mots, selon son appartenance religieuse ou ethnique : Achète, Inch'allah, et Tais-toi. Le Grand Silence qui équivaut à tous nos bavardages aurait donc cette valeur inconsciente que de rejoindre un projet multidimensionnel où le mal, la bêtise humaine que nous ne sommes pas en mesure de comprendre, auraient enfin leur place dans ce Tout qui n'est Rien. "Une issue sans voix", L'anéantissement" sont des romans, qui se lisent comme des fables contemporaines de cette métaphysique du néant ; perdre la possibilité de parler quand la parole ne vaut plus rien (Pierre dans Une issue sans voix) ou bien vivre un petit drame personnel qui sera lissé, fondu, emporté dans le Léthé qui a englouti toute la civilisation (dans la mécanique du recommencement, du même) avec L'anéantissement.

Coups de griffes donc à tous ces apôtres du néant qui défendent de la merde culturelle, à ces cinéastes français qui nous servent des petites comédies ridicules, ces écrivains qui nous pondent leurs petites histoires pleines de sensibilité et d'intrigues cul-cul, ces artistes à la gomme qui "produisent" des objets qu'on ne peut même pas distinguer d'une cochonnerie industrielle, à ces fanatiques tueurs d'innocents qui rajoutent une couche d'anéantissement dans le chemin délétère dont nous avons déjà bien creusé le sillon, à ces vendeurs de mensonges, d'illusions, ces hommes politiques professionnels, ces technico-pédagogues qui ont sciemment analphabétisé la société, à toute cette trisomisation des jeunes gens qu'on encourage...Est-ce qu'un jour je pourrais enfin écrire le roman d'une révolution, d'une révolte au moins, sans casser avec le principe essentiel du vraisemblable ? Pas cette année en tout cas : c'est l'année de la Chèvre m'a-t-on dit chez les Chinois. Encore une année bêlante qui s'annonce. Le seul roman possible est encore celui de la catabase.

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