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4 avril 2012

Doit-on se cacher pour lire ?

L'âge de déraison creuse son sillon. De temps à autre, il me faudra l'extraire de l'inertie dans laquelle toute oeuvre tend à s'embourber si rien ne vient de nouveau ne vient piquer la curiosité d'un passant, passant qui le plus souvent aime circuler sur la toile comme le rôdeur aime flairer les parfums violents des chairs aguicheuses. Les artistes, on le sait, n'ont qu'un seul ennemi : l'indifférence. Les critiques sont au contraire la preuve que vous existez et dès qu'un écrivain commence à sortir de son anonymat, il rappelle à d'autres la course éreintante qu'il faut encore accomplir pour trouver ce fameux "public". Il faut dire, quelle fatigue...

Nous autres écrivains, sommes des bébés tortues. L'éclosion, qui nous fait suffoquer d'impatience, est à haut risque. Les crabes, de qui nous sommes la friandise préférée, traquent nos démarches hésitantes, quoique empressées. Nos carapaces sont encore molles et cèdent sous la pression de n'importe quelle mandibule. Ce craquement délectable du mets de choix ravive les palais de pélicans désabusés ! La mer est proche mais qui l'atteindra ? La tortue traque le doute, se fie à une sorte d'instinct qui sait que le seul acte de naissance qui vaille est son premier contact avec l'eau. C'en est fait. Un crabe a bien tenté de me "pincer" de côté, l'enfoiré ! Un scrabe qui se prend pour un scribe ! Esquive, rapidité. Evité aussi le gouatre du pélican encore tout dégoulinant de l'encre du poulpe...Ces goinfres d'éditeur ! Voilà. Je suis sur la grève et mes pattes avant ont touché la mer. Je n'ai pas le temps d'éprouver la symbiose avec l'élément, je dois nager maintenant et pour toujours !

Là, écrivain parmi d'autres. Dans l'immensité de l'océan. Dans ce bouillon de culture où chacun tente de planter son drapeau. Là où une bonne critique compte autant qu'une mauvaise. Pourvu que dans les abysses, on nous voit !

On m' a vue ! Mais serait-ce que certains ont eu honte d'avoir lu et aimé L'âge de déraison, d'avoir effeuillé l'âme d'une jeune femme en proie au désir de se suicider au moins aussi grand que celui d'être admirée, ou bien que j'éprouve confusément et sans raison se former un halo de précaution verbale autour de mon livre ?  Je vois que le roman dérange. On veut du recul, de la distance...On voit du nu partout, mais la vraie nudité, celle qui paraît sans effort de séduction, dans son aspect de pièce de boucherie, nous effraie. Il faudrait de l'affèterie. Jouer à l'écrivain pompeux et pompier. On veut bien de la chair, mais pas trop de sauce dans le plat. On veut bien que mon personnage pense, mais sans jamais formuler d'abstraction. Sans compter le rapport ambigu au sexe de mon héroïne...Je n'imaginais pas faire peur. Mais oui, l'écriture remue encore. Et le goût académique demeure tenace. On croit encore à la littérature "France Loisirs", les gentils petits lecteurs qui lisent comme ils dorment : dans le confort. Pourtant mon héroïne a pris un chemin qu'on aurait tort de ne pas regarder : le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes de 18 à 35 ans (hélas, dois-je en référer aux statistiques ?). La solitude, la déchéance de notre croyance en ce monde, qui pourtant se vend si bien, en sont, parmi d'autres, les raisons. Mon héroïne se relèvera. Et elle quittera un instant ce monde déchu. Mon roman fait tomber l'illusion de la facilité. Heureusement, de bons lecteurs, pas un instant étouffés par une définition aseptisée de la littérature, ont su m'exprimer leur plaisir, voire leur excitation (intellectuelle et sexuelle) de lire ce livre. Lire un roman c'est comme un viol...consenti !  

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