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4 novembre 2011

Lettres mortes II

Lettres mortes II,

Au lecteur inconnu,

Qui s'énerve et se cabre. "Non, Reine Bale n'est pas la représentante de la littérature. Sale prétentieuse. D'abord, est-ce qu'elle a des "idées" ? A part des certitudes qu'elle ressasse sur La Littérature, je ne vois rien. Et puis un roman publié, ce n'est pas une panacée pour un écrivain qui se dit contemporain ! Plus contemporaine que toutes les autres ? Je ne sais même pas pourquoi je viens ici. Pour moi, un écrivain, c'est un univers, une atmosphère, un réseau métaphorique, une sécrétion spontanée de mots. Une énigme puissante qui maintient l'écrivain lui-même dans le mystère de son élan créateur."

Bravo, lecteur anonyme que j'invente de toute pièce. J'aime m'opposer pour exister. Et bravo pour la pirouette-cacahouète "maintient l'écrivain lui-même dans le mystère de son élan créateur". Tu n'as effectivement rien à faire ici. Tu es ce que je conchie le plus. Le pire lecteur qui soit. La mystique de la création. L'espèce de romantisme adolescent qui pousse en même temps que les poils pubiens. Le poète inspiré tourné vers l'infini dans sa posture messianique. Ou bien le faiseur de phrases qui "affleure" la peau (grande expression en vogue). La littérature ne serait plus que cette opacité de mots, qui comme la brume, obstruerait la vision d'un lecteur consentant à s'aveugler. La bonne vieille religion française de la mauvaise littérature tournée en elle-même de ces dernières années, en somme. L'autotélicité. La recette d'un Mallarmé sur le tard. Le réel ? Pour toi, lecteur anonyme, c'est l'horreur absolue. Il est plat, le réel. Il nous accable déjà tant le réel. Et moi j'te dis, mais mon p'tit père, depuis quand un écrivain dénigre-t-il le réel ? La Comédie, elle a cessé d'être divine et ça fait depuis longtemps qu'elle est humaine, trop humaine, peut-être. Dieu est mort, tu n'es pas au courant ? C'est peut-être ça le problème. Mais j'te dis aussi que pour le roman, ce genre de problème, c'est du pain bénit. Car, l'histoire du roman, ce n'est jamais que la métaphysique transcendantale transposée au terrestre. Le Ciel est descendu ici. Il s'est sali aussi, sans doute ; mais ce n'est pas la peine de mentir pour nous refaire le conte de la pureté. Le verbe a trempé dans le corruptible, c'est un fait. Ne songe pas à faire machine arrière. Le contemplatif n'est plus un poète, c'est un imbécile. Baudelaire l'a su, à ses dépens.Tu te sens insulté ? C'est sans doute pour ça que tu ne pourras accéder qu'à un seul de mes romans publiés. Tu vois, tu as avec toi les plus grands esprits de notre nation. Tu as raison avec eux. La loi du nombre.

En t'écrivant, je pense un peu Christian Bobin, à Delerm, à j'sais pas qui d'insignifiant. Littérature d'évasion à la con.

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