Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
contempo-reine
contempo-reine
Publicité
Archives
Pages
Newsletter
15 octobre 2011

Affinité élective

Le peintre Christophe Avella-Bagur a réalisé la couverture de mon livre L'âge de déraison (le livre sortira de l'imprimerie vraisemblablement le 19 octobre ; pour celles et ceux qui souhaitent en acquérir un exemplaire, il suffit de m'écrire à mon adresse mail reinebale@gmail.com; l'avantage de cette démarche "directe" est le prix...mais j'y reviendrai). Cette couverture puissante, une sorte de vanité déclinée sur le thème de "la jeune fille et la mort" est une facette du travail dense que le peintre échafaude depuis près de vingt ans. En ce moment, il tient une exposition à Paris dans la galerie de Jean-Luc Richard à l'impasse Saint Claude dans le troisième arrondissement : "La châsse de l'homme" en est le titre et le fil conducteur. On y découvre des visages "standards" sur lesquels glissent des visages singularisés, comme si le socle de l'âme humaine se voyait menacé par une forme d'uniformisation généralisée : c'est angoissant et édifiant. Au centre de la pièce trône un reliquaire, impeccablement réalisé par l'artiste, qui ici s'avère aussi artisan ; à la place de reliques de saints, on trouve une chaîne de montage où défilent des crânes sortis d'une usine, peut-être la première manufacture de clônage humain...

Pourquoi cet artiste plutôt qu'un autre ? Parce que chez lui, aucune envie d'exécuter une peinture de la séduction.  C'est cru et cruel. La maîtrise technique de la peinture est d'autant plus frappante qu'elle s'oppose "thématiquement" à la décomposition de l'homme qu'elle donne à voir ; et bien sûr, derrière la déconstruction du vivant -réflexion on ne peut plus contemporaine-, on lit une définition même de la peinture : des visages superposés comme autant de couches de peinture, palimpsestes de la mémoire de l'artiste nourrie de son expérience, de sa ré-flexion sur l'histoire de la peinture, et d'une pensée apocalyptique sur le devenir de l'humanité. Ainsi, la peinture devient ce médium qui bien qu'ancien, est bien plus contemporain que la photo ou l'installation. Une photo n'atteindra jamais cette force de composition propre à la peinture qui s'oppose à la prise directe du réel. Or, une des menaces du monde contemporain, c'est de réduire les choses (et les êtres) à une surface sans profondeur. On se dit souvent qu'on est dans une culture de l'image, mais de fait, on perd tous les repères (esthétiques, symboliques, techniques) pour apprécier toutes les dimensions signifiantes d'une image. (C'est flagrant chez les jeunes où la cinéphilie se fait rare alors que beaucoup de personnes de ma génération ont formé leur goût avec le ciné-club ; alors ne parlons même pas de peinture !) On cède très facilement au pouvoir de séduction de ces mêmes images et la plupart du temps, nous confondons beauté-canon et beauté-propre de l'image. Le "tout-se-vaut", encore et toujours...Ce que je dis ici de la peinture vaut, par analogie, pour la littérature.

C'est pourquoi, j'entretiens avec le peintre Avella-Bagur cette sorte d'affinité élective : l'exigence et rien qu'elle. Fi de la peur de déplaire. Classicisme : absence de fioritures, la vérité toute nue. C'est violent et beau.    

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité